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Il est admis de tous que les produits issus de l’agriculture biologique sont sains et meilleurs pour la santé. Cependant, pratiquer l’agriculture biologique au Burkina Faso n’est pas ce qu’il y a de plus facile pour ceux qui s’y adonnent. Entre difficultés de production et les coûts des légumes souvent jugés élevés pour le Burkinabè moyen, les producteurs essaient de s’adapter.

Il est pratiquement 11h quand nous arrivons sur le site de production de l’association la Saisonnière, situé au sein de l’IPD/AOS, non loin de l’échangeur de l’Est à 0uagadougou. Le soleil déjà bien haut dans le ciel n’entame en rien la bonne humeur des femmes, qui s’échinent à apporter tous les soins aux plantes. La cinquantaine de femmes, membres de l’association s’est spécialisée dans l’agriculture biologique. Tomates, laitue, oseille, feuille de patate, corète potagère ou boulvaka en mooré, de Kenebdo, d’amaranthe, etc., on y trouve une diversité de spéculations. Ce site de la Saisonnière est bien connu de ceux et celles qui ne jurent que par le bio.

Mais si aujourd’hui la Saisonnière est reconnue comme une association pionnière dans l’agroécologie, cela n’a pas toujours été le cas. Comme l’explique la présidente de l’association, Salimata Sophie Sédogo/Héma, affectueusement appelé mamie, à sa création en 2003, l’association pratiquait l’agriculture conventionnelle sur son terrain situé à Bendogo dans l’arrondissement 10 de Ouagadougou. Les pesticides et autres engrais chimiques étaient utilisés à profusion et étaient même offerts gratuitement à l’association par ses partenaires.

Mais au fil des années, la production baisse et les riverains du site commencent à se plaindre des nuisances olfactives dues à l’utilisation des pesticides. C’est alors que l’association décide de changer de cap et opte pour l’agriculture biologique, non sans difficultés. Aujourd’hui La Saisonnière est certifiée BIO SPG par le Conseil national de l’agriculture biologique (CNAbio).

Un changement que relate la présidente, se remémorant le chemin parcouru. « Nous avions eu une formation pour utiliser les engrais chimiques, mais malgré la formation, nous en avons abusé puisqu’on doublait les doses. Le sol s’est asséché et rien ne poussait. Même quand l’Amaranthe commence à germer, ça pousse et après s’assèche. Alors qu’au début, nous étions confiantes, parce qu’avec les engrais chimiques, c’est rapide, la salade ne faisait pas plus de 46 jours. Nous avons eu des difficultés pour restaurer ce sol. On s’est dit que puisque nous étions victimes de ces produits chimiques, il fallait changer. Nous avons donc décidé d’utiliser le "Moogh naab bidiga’’ ou fumier. Nous avons creusé notre sol pour ramasser tous les résidus d’engrais et les jeter très loin. Ensuite nous avons épandu le fumier non décomposé et nous avons eu affaire à des herbes coriaces qui étouffaient nos cultures. On manquait de formation pour passer à l’agriculture biologique surtout quand un terrain est déjà dégradé. Or les engrais chimiques, lorsqu’ils pénètrent le sol, il faut des années. Il y a donc d’énormes difficultés pour aller vers le bio », confie Mme Sédogo.
Nicole Hien et son frère eux n’en sont pas encore au niveau de la Saisonnière.

La présidente de la Saisonnière invite l’ensemble des producteurs bio à harmoniser les prix

Ils viennent de se lancer dans l’agriculture biologique, il y a à peine deux ans. Sur leur exploitation située à Loumbila à quelques encablures de Ouagadougou, ils s’échinent à produire des fruits et légumes bio vendus directement au consommateur comme c’est le cas de la majorité des producteurs bio. Les Hien ne jurent que par le bio, même si la tâche n’est pas toujours facile. Mais ils sont convaincus d’avoir choisi le bon parti, ils estiment que la santé des consommateurs mérite d’être préservée, sans oublier la nécessité de préserver la terre et son écosystème. « Nous sommes attachés au respect de la terre. C’est la terre qui nourrit et nous devons travailler à respecter l’écosystème et la santé des consommateurs », déclare Mme Hien.

Le bio, une galère ?

Pratiquez l’agriculture biologique au Burkina Faso a son lot de difficultés, à en croire les producteurs. Nicole Hien évoque la question des soins à apporter aux plantes. Tout comme Mme Sedogo, elle affirme que l’agriculture biologique requiert plus d’attention, plus de soins. « Il y a souvent le découragement quand on prépare une pépinière pour la production et après on se rend compte qu’il y a des insectes qui attaquent. La solution la plus facile quand on n’est pas dans le bio, c’est de chercher des pesticides pour les éliminer, dans le bio ce n’est pas possible. Nous avons eu plusieurs échecs à cause des insectes », avoue-t-elle.

A cela s’ajoute la faible subvention des intrants biologiques. La plupart des producteurs bio sont obligés de produire eux-mêmes leurs intrants biologiques et leurs composts, même si petit à petit les choses changent. La présidente de la Saisonnière avoue en effet qu’avec le plaidoyer et la sensibilisation menée par le Conseil national de l’agriculture biologique qui est une sorte de faîtière des producteurs bio, le ministère de l’Agriculture a pris conscience de l’importance de l’agriculture biologique. Un plan d’action a ainsi été adopté pour vulgariser l’agriculture biologique. Elle espère donc que d’ici là, les producteurs bio bénéficieront de subventions conséquentes en intrants agricoles.

L’autre difficulté évoqué unanimement par les producteurs bio, c’est l’opinion populaire qui tend à faire croire que les légumes bios coûtent plus chers que ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Alors le bio est-ce vraiment cher ? En tout cas, c’est ce que pense la majorité des personnes que nous avons interrogé.
« Le bio c’est pour les riches », nous confie Aminata Sawadogo. Et elle n’est pas seule. Comme elles, pour toutes les femmes interrogées, manger bio est au-dessus des moyens du Burkinabè lambda. De l’avis de la présidente de la Saisonnière, ce n’est qu’un préjugé, parce que son association vend ses légumes à des prix souvent en deçà des prix du marché. Mais Mme Sédogo dit comprendre ceux qui pensent ainsi.

Elle affirme en effet, que certains agriculteurs bio ont contribué à véhiculer cette idée selon laquelle le bio ne peut être vendu au même prix que les produits issus de l’agriculture conventionnelle. Faisant part d’une anecdote, elle explique qu’elle a été invitée à vendre lors d’un marché bio où étaient également présents d’autres producteurs bio. Elle a exposé de la pomme de terre à 500 F CFA le Kg alors que les autres producteurs vendaient à 1 000 F CFA le Kg. A la grande surprise de Mme Sédogo, les clients vont se tourner vers ses concurrents parce qu’ils estimaient que de la pomme de terre bio ne pouvait coûter aussi moins cher. Pour la présidente de la Saisonnière, il faut lutter contre ces préjugés. « La santé, ce n’est pas pour les riches seulement. C’est cette philosophie que nous suivons à la Saisonnière (…) Ce que nous constatons, c’est qu’en période difficile, on peut même te proposer des tomates bio à 2 000 F CFA le Kg. Qui peut acheter ça ? Il faut que nous-même producteurs nous parlons le même langage », déclare la présidente de la Saisonnière.

C’est aussi l’avis de Nicole Hien, qui estime que la santé n’a pas de prix et que le rapport qualité-prix des produits bio, en font ce qu’il y a de mieux pour le consommateur. Pour écouler ses produits, elle a choisi la vente directe aux consommateurs. Ce n’est qu’ainsi qu’elle peut rentabiliser sa production. Le plus important selon elles, c’est que les producteurs bio s’asseyent et discutent pour harmoniser un tant soit peu les prix.

« On dit que nos produits sont chers. Ils sont chers parce que nous peinons plus que ceux qui utilisent la chimie. Aujourd’hui si nous sensibilisons et formons les autres maraîchers autour de Ouaga pour amener tout le monde à l’agriculture biologique, avec l’appui des chercheurs pour nous proposer des alternatives, le prix va descendre de lui-même », confie Mme Sedego.

Nicole Hien privilegie la vente directe au consommateur afin de pouvoir rentabiliser sa production.

Et c’est à cette tâche que s’attelle l’association. Elle sensibilise et accompagne des maraîchers de Ouagadougou et d’autres localités à produire bio. Et ça marche, puisque certaines des associations formées par la Saisonnière sont aujourd’hui certifiées Bio SPG par le Cnabio. Tout en félicitant le gouvernement pour les actions entreprises pour la vulgarisation de l’agriculture biologique, nos productrices invitent le gouvernement et les scientifiques à redoubler d’efforts et à accompagner davantage le secteur à se développer.

Rédiger par Justine Bonkoungou de Lefaso.net

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